Encore un rendu de concours harassant, l’occasion de traverser un Paris désert à 5 heures du matin, et de revisiter la célèbre chanson de Jacques Dutronc et Jacques Lanzmann composée au printemps 1968 : Il est cinq heures, Paris s’éveille.
En l’écoutant, on ne peut que constater à quel point les activités parisiennes entre nuit et jour ont changé. Fini, les camions pleins de lait, les balayeurs dès potron-minet ou le café dans les tasses. Les banlieusards ne sont pas encore dans les gares, à la Villette on ne tranche plus le lard, la carcasse de la gare Montparnasse à été remplacée par la tour du même nom, et seuls quelques boulangers font effectivement cuire des bâtards.
Pourtant, certaines activités perdurent, comme le nettoyage des glaces des cafés et brasseries. Alors que ces établissements sont portes closes, des prestataires à mobylette effectuent désormais cette opération, seulement accompagnés par la musique nasillarde de petites radios portables.
La temporalité des usages et l’évolution des pratiques ont donc profondément modifié le visage de la ville. Ainsi, d’un tube sur 45 tours, la chanson de Dutronc est devenue un véritable document de l’histoire urbaine de la capitale. Et cette mutation continue de la ville a une actualité. En effet, la vie nocturne parisienne connaît de nombreux problèmes tendant à restreindre ses activités festives. Pour contrer ce mouvement, une pétition à été rédigée : Quand la nuit meurt en silence.
«
Nous, artistes, exploitants de lieux de diffusion, acteurs des musiques actuelles et professionnels de la nuit à Paris, souhaitons alerter l'opinion publique et les décideurs politiques sur les graves conséquences des pressions que nous subissons actuellement dans la gestion des problèmes de voisinage et de nuisances. La loi du silence généralisée qui s'abat sur nos événements et nos lieux de vie est en passe de reléguer la Ville Lumière au rang de capitale européenne du sommeil. Menaçant, ce faisant, non seulement nos entreprises et nos emplois mais aussi le rayonnement de Paris sur la scène culturelle internationale et l'attractivité touristique de notre ville. Il est donc urgent d'interroger le cadre juridique et réglementaire qui régit nos activités mais aussi (et peut-être surtout) la manière dont il est traduit au quotidien sur le terrain.
Paris souffre structurellement, du fait de son urbanisation hypercentralisée et de la pression foncière subséquente, d'un manque critique de lieux d'expression culturelle, notamment du point de vue des musiques actuelles qui n'ont pas toujours été soutenues à la hauteur de leur popularité par l'Etat et les collectivités territoriales. Malgré cet état de fait, au cours des dix dernières années, les lieux parisiens de diffusion musicale (bars, salles de concert, clubs) ont encore payé un lourd tribut à l'aspiration grandissante des parisiens à toujours plus de tranquillité. Et il est dorénavant bien établi que Paris a abandonné toute espèce de leadership européen au bénéfice de villes comme Londres, Barcelone, Prague et Berlin vers lesquelles s'exilent chaque jour plus d'artistes et de professionnels français. Sans parler du public francilien qui n'hésite plus à partir en week-end pour aller faire la fête là où elle a vraiment lieu.
Plus récemment encore, la situation s'est à nouveau dégradée avec la mise en œuvre de la loi anti-tabac qui a poussé une partie de notre public à passer du temps à l'extérieur des établissements. Cette loi que nous avons pourtant appliquée de manière exemplaire au sein de nos lieux a eu pour conséquences :
- d'élargir nos responsabilités à un territoire (la rue) sur lequel nous n'aurons jamais la même légitimité;
- de créer des confusions entre les nuisances provenant de la diffusion musicale et les troubles de voisinage liés à l'occupation des trottoirs;
- de réactiver des contraintes réglementaires jusque là oubliées (interdiction de danser dans les bars ou les salles de concerts...) dans le seul but de durcir ou d'accélérer les sanctions.
Quel peut être le sens d'une Loi de Santé publique qui aboutit à empêcher les gens de danser ?
Les fermetures administratives (provisoires ou définitives) et les pertes de licence ou d'autorisation de nuit (au-delà de 2h) se comptent par centaines chaque année sans parler des amendes parfois très lourdes. La liste de tous les établissements touchés (et donc les événements annulés) alourdirait considérablement le texte de cette lettre mais cette liste s'allonge inexorablement mois après mois.
Les trois premiers termes de l'équation sont simples : pas de culture sans musique, pas de musique sans lieux de diffusion, pas de lieux de diffusion sans vie nocturne. Mais pour bien comprendre la réalité de la situation et l'impasse dans laquelle Paris est en train de se fourvoyer, il faut s'intéresser au dernier terme de l'équation : pas de vie nocturne sans tolérance. Dire cela c'est, d'une part, accepter de voir la vie telle qu'elle est et c'est, d'autre part, comprendre qu'en cela comme en tout, de vrais arbitrages et de justes compromis sont nécessaires. Laisser penser que la nuit parisienne pourrait ou devrait s'épanouir sans troubler la parfaite quiétude d'un seul riverain est une hypocrisie dangereuse. Vivre ensemble dans une métropole ne peut pas se faire sans que les efforts soient mutuels dans les territoires partagés que constitue l'espace public.
»
Ces revendications rejoignent en partie la diversité des activités décrites dans la chanson de Dutronc. Allons donc dans ce sens. Il est cinq heures, je n'ai pas sommeil…
Voir :
http://www.quandlanuitmeurtensilence.com/
En bonus, la version contestataire de mai 1968 de la chanson de Dutronc et Lanzmann adaptée par Jacques Le Glou et interprétée par Dominique Grange :
En l’écoutant, on ne peut que constater à quel point les activités parisiennes entre nuit et jour ont changé. Fini, les camions pleins de lait, les balayeurs dès potron-minet ou le café dans les tasses. Les banlieusards ne sont pas encore dans les gares, à la Villette on ne tranche plus le lard, la carcasse de la gare Montparnasse à été remplacée par la tour du même nom, et seuls quelques boulangers font effectivement cuire des bâtards.
Pourtant, certaines activités perdurent, comme le nettoyage des glaces des cafés et brasseries. Alors que ces établissements sont portes closes, des prestataires à mobylette effectuent désormais cette opération, seulement accompagnés par la musique nasillarde de petites radios portables.
La temporalité des usages et l’évolution des pratiques ont donc profondément modifié le visage de la ville. Ainsi, d’un tube sur 45 tours, la chanson de Dutronc est devenue un véritable document de l’histoire urbaine de la capitale. Et cette mutation continue de la ville a une actualité. En effet, la vie nocturne parisienne connaît de nombreux problèmes tendant à restreindre ses activités festives. Pour contrer ce mouvement, une pétition à été rédigée : Quand la nuit meurt en silence.
«
Nous, artistes, exploitants de lieux de diffusion, acteurs des musiques actuelles et professionnels de la nuit à Paris, souhaitons alerter l'opinion publique et les décideurs politiques sur les graves conséquences des pressions que nous subissons actuellement dans la gestion des problèmes de voisinage et de nuisances. La loi du silence généralisée qui s'abat sur nos événements et nos lieux de vie est en passe de reléguer la Ville Lumière au rang de capitale européenne du sommeil. Menaçant, ce faisant, non seulement nos entreprises et nos emplois mais aussi le rayonnement de Paris sur la scène culturelle internationale et l'attractivité touristique de notre ville. Il est donc urgent d'interroger le cadre juridique et réglementaire qui régit nos activités mais aussi (et peut-être surtout) la manière dont il est traduit au quotidien sur le terrain.
Paris souffre structurellement, du fait de son urbanisation hypercentralisée et de la pression foncière subséquente, d'un manque critique de lieux d'expression culturelle, notamment du point de vue des musiques actuelles qui n'ont pas toujours été soutenues à la hauteur de leur popularité par l'Etat et les collectivités territoriales. Malgré cet état de fait, au cours des dix dernières années, les lieux parisiens de diffusion musicale (bars, salles de concert, clubs) ont encore payé un lourd tribut à l'aspiration grandissante des parisiens à toujours plus de tranquillité. Et il est dorénavant bien établi que Paris a abandonné toute espèce de leadership européen au bénéfice de villes comme Londres, Barcelone, Prague et Berlin vers lesquelles s'exilent chaque jour plus d'artistes et de professionnels français. Sans parler du public francilien qui n'hésite plus à partir en week-end pour aller faire la fête là où elle a vraiment lieu.
Plus récemment encore, la situation s'est à nouveau dégradée avec la mise en œuvre de la loi anti-tabac qui a poussé une partie de notre public à passer du temps à l'extérieur des établissements. Cette loi que nous avons pourtant appliquée de manière exemplaire au sein de nos lieux a eu pour conséquences :
- d'élargir nos responsabilités à un territoire (la rue) sur lequel nous n'aurons jamais la même légitimité;
- de créer des confusions entre les nuisances provenant de la diffusion musicale et les troubles de voisinage liés à l'occupation des trottoirs;
- de réactiver des contraintes réglementaires jusque là oubliées (interdiction de danser dans les bars ou les salles de concerts...) dans le seul but de durcir ou d'accélérer les sanctions.
Quel peut être le sens d'une Loi de Santé publique qui aboutit à empêcher les gens de danser ?
Les fermetures administratives (provisoires ou définitives) et les pertes de licence ou d'autorisation de nuit (au-delà de 2h) se comptent par centaines chaque année sans parler des amendes parfois très lourdes. La liste de tous les établissements touchés (et donc les événements annulés) alourdirait considérablement le texte de cette lettre mais cette liste s'allonge inexorablement mois après mois.
Les trois premiers termes de l'équation sont simples : pas de culture sans musique, pas de musique sans lieux de diffusion, pas de lieux de diffusion sans vie nocturne. Mais pour bien comprendre la réalité de la situation et l'impasse dans laquelle Paris est en train de se fourvoyer, il faut s'intéresser au dernier terme de l'équation : pas de vie nocturne sans tolérance. Dire cela c'est, d'une part, accepter de voir la vie telle qu'elle est et c'est, d'autre part, comprendre qu'en cela comme en tout, de vrais arbitrages et de justes compromis sont nécessaires. Laisser penser que la nuit parisienne pourrait ou devrait s'épanouir sans troubler la parfaite quiétude d'un seul riverain est une hypocrisie dangereuse. Vivre ensemble dans une métropole ne peut pas se faire sans que les efforts soient mutuels dans les territoires partagés que constitue l'espace public.
»
Ces revendications rejoignent en partie la diversité des activités décrites dans la chanson de Dutronc. Allons donc dans ce sens. Il est cinq heures, je n'ai pas sommeil…
Voir :
http://www.quandlanuitmeurtensilence.com/
En bonus, la version contestataire de mai 1968 de la chanson de Dutronc et Lanzmann adaptée par Jacques Le Glou et interprétée par Dominique Grange :
1 commentaire:
bon repos ;-)
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