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25 novembre 2009

Bernardo, c’est qui ?

Isotrope, « qui présente les mêmes caractéristiques physiques dans toutes les directions », est une notion principalement utilisée dans des domaines scientifiques : mathématiques, optique, cristallographie, résistance des matériaux ou encore cosmologie. Quel rapport avec l’architecture me direz-vous ? Et bien isotropie fait partie d’un lot de termes et de concepts scientifiques importés dans le champ de l’urbanisme par l’équipe Studio 09 de Bernardo Secchi et Paola Vigano lors de la consultation du Grand Paris.

Ainsi, le rapport de recherche remis par l’équipe italienne mobilise les notions de porosité, de connectivité, de perméabilité, de krigeage (méthode d’interpolation géostatistique présentée par les architectes comme un système d’échantillonnage), d’isotropie ou encore de dross (scum on the surface of molten metal, terme anglais pouvant être défini comme un résidu ou une impureté). La question est alors - et on peut à notre tour passer par une métaphore botanique pour l’énoncer - la greffe de ces notions a-t-elle prise ?

Il semble que oui. En effet, les urbanistes ont pris soin de rédiger un petit lexique de ces termes, les ont encadrés de certaines précautions d’usage et ont enrichi leurs définitions. En soulignant l’idéologie sous-jacente des systèmes d’organisation spatiale, l’isotropie devient alors autant une notion distributive qu’un concept de philosophie politique. Nous vous proposons donc une édition compacte des éléments les plus éclairants du rapport Secchi & Vigano décrivant une condition urbaine isotropique.


«Isotropie» pour nous n’est pas une métaphore. Comme on verra «Isotropie» est un mot qui décrit et dessine une situation concrète de perméabilité et d’accessibilité généralisées. Il décrit une situation physique dans laquelle on n’a pas de direction privilégiée.

L’isotropie n’est pas un concept utopique. Nos analyses montrent que le Grand Paris est peut être beaucoup plus isotropique qu’on ne le pense. Le Grand Paris n’est plus une ville compacte et mono-centrique; il est plutôt une vaste région urbanisée dans laquelle les trois icônes contemporaines des villes se rencontrent et se mêlent. La ville compacte ne se trouve pas que dans le Paris haussmannien, mais parfois aussi en son extérieur, de même pour la ville debout et, bien que cela puisse paraître paradoxal, pour la ville dispersée également.


L’isotropie s’oppose à la hiérarchie, mais comme cette dernière, elle est une situation limite qui ne s’avère jamais complète ni parfaite. Il faut d’ailleurs se souvenir que la hiérarchie comme principe d’ordre, née avec les Etats nations, leurs bureaucraties, leurs écoles et leurs armées, a dû employer des siècles pour s’affirmer complètement et devenir principe d’organisation spatiale, justement par ce qu’elle s’opposait à la dispersion des pouvoirs de la société moyenâgeuse. Comme la hiérarchie a pris des siècles pour se mettre en place, l’isotropie prendra du temps pour intégrer les imaginaires collectifs et se réaliser. Il ne s’agit pas d’opposer ces deux systèmes ni de substituer l’un à l’autre, mais d’enchevêtrer, dans une mise en oeuvre en termes concrets d’aménagement, les deux systèmes se transformant l’un dans l’autre.


Lire et voir :
http://www.legrandparis.culture.gouv.fr
http://www.cnrtl.fr/definition

16 novembre 2009

Villes isométriques

Un livre d’urbanisme à destination des touts petits vient de sortir. Il s’agit d’un livre pop-up, qui reproduit la croissance urbaine d’un village : Popville, d’Anouck Boisrobert, Louis Rigaud publié aux Editions Helium.




Le paysage urbain qui apparait peu à peu autour de la grande maison rouge se développe d’abord linéairement, puis se mue en village concentrique, jusqu’à emplir complètement le cadre de la page avec des éléments urbains isotropes… Ainsi, les dernières pages rappellent les perspectives axonométriques des jeux informatiques Sim City, développés par Maxis au milieu des années 1990.

Sim City

Sim City 2000

Sim City 3000

Sim City 4

Ces quelques captures d’écran nostalgiques illustrent l’évolution des représentations isométriques de SimCity. Alors que la structure urbaine orthonormée de la ville toujours aussi lâche, elles témoignent d’une précision accrue dans le graphisme des édifices. Le réalisme de la simulation à donc évacué la portée spéculative des formes urbaines du logiciel. Des images conventionnelles au détriment d’autres possibles métropolitains.

7 novembre 2009

L’homme moderne


Récompensée par deux Emmy Awards de la meilleure fiction télévisuelle, la série américaine Mad Men est remarquable à plus d’un titre. Relatant les vies de publicitaires new-yorkais dans les années 1960, elle est diffusée sur AMC TV (American Movie Classics, pas Architecture Mouvement Continuité !) et fait écho à une modernité architecturale encore rayonnante. Ainsi, le titre de la série Mad Men, fait à la fois référence aux Add Men, mais aussi à la localisation de cette profession sur la grille de Manhattan : Madison Avenue. L’activité de l’agence Sterling Cooper est donc indissociablement liée à l’espace ou elle se déroule. Plus précisément, les aventures de Don Draper se déroulent dans le building de la firme, objet lisse à la façade rideau aux montants verticaux filants. L’esthétique du bâtiment utilisé comme siège social d’une agence de publicité est tout à fait conforme à la production de l’époque et notamment à deux édifices construits sur Park Avenue : la Lever House achevée en 1952 par Gordon Bunshaft et Skidmore, Owings and Merrill et le Seagram Building élevé par Mies Van Der Rohe en 1958.


Au sein de ce building, le plateau occupé par la direction créative permet à la fois le contrôle des employés et une plus grande densité d’activités. Le dispositif de l’open-space est rendu possible par l’apparition de nouvelles technologies dont la série témoigne avec précision : standards téléphoniques relais, installation du premier photocopieur, invention du projecteur de diapositive ou de la télévision couleur. Tout comme l’organisation du travail, l’architecture se veut en pointe : une modernité alliant technique et prospérité. L’espace intérieur est d’ailleurs d’une grande qualité : le faux-plafond régulier diffuse une lumière artificielle homogène et le système des châssis en bois toute hauteur permet une partition des espaces en alternant des panneaux opaques, translucides ou vitrés. Cette modernité rationnelle est aussi tempérée par l’usage important de textiles, tant dans le mobilier que dans les aménagements intérieurs.


Pourtant, cette architecture est étrange. La régularité des structures contraste violement avec la vie et les rapports sociaux qui y prennent place : l’open-space est exclusivement occupé par des femmes aux postes subalternes, le seul noir toléré dans l’immeuble actionne les commandes de l’ascenseur, les aspirations professionnelles et jalousies personnelles des cadres s’expriment d’autant plus durement que les rapports hiérarchiques sont scrupuleusement respectés. Si de nombreux livres ou photographies des années 1960 décrivent l’avènement de la société de consommation et le triomphe de l’individualisme, la série Mad Men offre une reconstitution de cette modernité américaine dans le domaine architectural. Et au-delà de d’envisager la vie qui va avec.



Voir :
http://www.amctv.com/originals/madmen/

1 novembre 2009

Sexy city

La ville est souvent présentée comme un objet de désirs. Ainsi, de nombreux architectes entretiennent des relations charnelles avec le fait urbain : Oscar Niemeyer dessinant à grand traits des corps féminins alanguis pour décrire les sources d’inspiration de ses projets ; Bruno Fortier, intitulant sont principal ouvrage d’urbanisme : L’amour des villes ; ou encore Jacques Ferrier promouvant le concept de ville sensuelle à l’occasion de l’Exposition universelle de Shanghai 2010.

Deux pratiques viennent enrichir et repousser les limites du potentiel sexuel de l’espace urbain et de l’architecture. D’une part, les pratiques sexuelles dans l’espace public, tel l’exhibitionnisme et l’exposition des parties intimes de son anatomie en public…


D’autre part l’affichage de la ville sur des corps dénudés. Ainsi, Etam vient de lancer une ligne de sous vêtements City Light aux imprimés mêlant l’opéra de Sidney de Jorn Utzon à une skyline américaine.


Il est donc désormais possible de littéralement faire corps avec la ville…


Voir :
www.jacques-ferrier.com
www.etam.com