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6 mai 2009

Les architectes du grand public

Alors que l’exposition des résultats de la consultation pour le Grand Paris bat son plein ; alors que le pouvoir exécutif semble s’intéresser, d'une manière aussi soudaine qu’exceptionnelle au fait urbain de l’agglomération parisienne ; alors que la presse dans son ensemble témoigne de cette effervescence ; on peut s’interroger sur la réception et la compréhension qu’aura le public de cette débauche d’intentions architecturales, infrastructurelles, urbaines ou sociales formulées par les dix équipes retenues.


A l’exception notable des projets de Rogers, Portzamparc, MVRDV voire Grumbach, il n’est pas sûr que le grand public se souvienne de ces dix propositions, tant leurs démarches, leurs problématiques et leurs résultats sont foisonnants, peu aisés à synthétiser et à comprendre dans leur ensemble. Ainsi, il n’est même pas sûr que le visiteur de l’exposition, ou le lecteur d’un article de vulgarisation retienne le nom des architectes-urbanistes consultés pour le Grand-Paris, tant le générique des équipes constituées s’allonge, faisant ressembler certains groupes pléthoriques à d'incroyables armées mexicaines...

Pour sonder la culture générale du grand public en matière d’architecture et d’urbanisme, on se reportera plutôt sur le dernier livre d’Anna Gavalda, « La Consolante ». Ce roman décrit la trajectoire d’un architecte approchant de la cinquantaine, qui, abandonnant la ville et ses activités incessantes, trouve l’amour et son bonheur dans les joies simples d’un retour à la terre.


Malgré cette intrigue, somme toute convenue, l’auteur dessine à travers son héros, Charles Balanda, la cartographie d’une culture architecturale reconnue voire partagée par le lecteur. Voici donc par ordre d’apparition les noms de ces architectes et de ces projets de best-seller.

p. 25 : Prouvé
p. 44 : Le Corbusier
p. 48 : Vauban
p. 54 : Musée des Arts premiers, Nouvel,
p. 55 : Opéra Bastille, BNF
p.111 : Leonidov
p.122 : Prouvé
p.139 : Jean Prouvé, Albert Laprade, Le Thoronet, le grand Alvaro (Siza?)
p.175 : Abbaye de Royaumont
p.176 : Les Pierres sauvages, Jean Pouillon
p.237 : Delirious New York
p;238 : Bibliothèque de Jussieu, Arup
p.239 : Bibliothèque de Seattle, Pei, Foster, Steven Holl, Koolhaas
p.257 : L’Hôpital Robert Debré, Pierre Riboulet
p.236 : Sagrada Familia
p.297 : Lescot, Lemercier, Peter Rice
p.518 : Flatiron Building
p.523 : Le béton par Maillart, l’acier par Brunel, Eiffel, ou la fonte par Telford, Heinrich Gerber, Ammann, Freyssinet, Viaduc de Kochertal de Leonhardt, Pont suspendu de Brunel à Clifton
p.556 : Place St Pierre, Opéra de Pékin de Paul Andreu


13 octobre 2008

Le roman d’une doctrine

Si quelques romans utilisent la figure de l’architecte, comme le récent livre d’Anna Gavalda, La Consolante. Si de nombreux autres sont fait d’architecture et l’utilisent comme support, tel La Clôture de Jean Rolin. Si la structure littéraire et romanesque de beaucoup d’autres constitue de véritables architectures, principe poussé à l’extrême par Georges Perec dans La vie mode d’emploi. Rares sont ceux qui développent une pensée critique des objectifs de l’architecture et du rôle de ce personnage dans la société. C’est pourtant le cas du livre de Stefan Heym (Les Architectes, Zulma, 2008), écrit en 1966 en RFA et publié pour la première fois en 2000. A travers la trajectoire contrariée d’un architecte du régime, l’auteur nous livre un étonnant manifeste antérieur de l’architecture socialiste. La transcription explicite d’un discours architectural directement issu de l’appareil politique fait éclater au grand jour la relation équivoque, des doctrines architecturales et des formes de domination : entre assujettissement, motif de justification et aiguillon créatif.


«
S’étant levé du siège en bout de table, il longeait le mur auquel était accroché une série de plans – témoignant de l’inverse des formes cubistes et dénudées qu’il venait de condamner dans son discours.
« Pas la moindre idée architectonique, dans le fonctionnalisme de ces gens-là, s’écriait-il tandis que son regard inquisiteur scrutait les visages autour de la table. D’édifice en édifice, la même façade nue, un désert, du rez-de-chaussée au plafond, sans oasis pour reposer la vue ! »

La décadence tenait au fait que le sens esthétique de l’homme, son aspiration à la beauté et à la dignité humaine étaient niés. Au bout du compte, un édifice était plus qu’un réceptacle occasionnel ; il signifiait la permanence ; un monument qui représentait l’aspiration des hommes, leurs rêves, leurs idéaux. Seule une classe comme la bourgeoisie, qui n’avait plus d’idées neuves depuis longtemps et qui était profondément pénétrée du sentiment de sa propre vanité pouvait considérer une combinaison de plaques de béton comme une réalisation.

« Le travail de l’architecte bourgeois – il s’immobilisa et eut un sourire ironique – est sérieusement facilité. Il ne doit pas se préoccuper des formes et des classifications esthétiques, ni de balance ou d’équilibre, ni de disposition ou de proportion des fenêtres, des corniches, des balcons et autres accessoires… »

Après cela, il lança à la ronde un regard triomphant.

»



Heym Stefan, Les Architectes, Paris, Zulma, 2008, p.69