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26 octobre 2008

L’architecture digérée

Il est loin le temps où Christian Devillers, Roland Castro et Paul Chemetov faisaient parti des tous premiers praticiens invités par le Pavillon de l’Arsenal dans le cadre du cycle de conférences « Paris d'architectes » 93-94. Publiés dans la collection Mini PA, le témoignage de ces « faiseurs de ville » laissait « libre cours à la pensée de nos grands noms de l'architecture » et ce, afin que « les débats perpétrés, les idées échangées ne restent pas éphémères ».

Au vu de l’opération récente du Quartier du Port de Choisy –le-Roi, il semble pourtant que la pensée de ces prescripteurs d’opinion du début des années 1990 se soit littéralement évaporée… Quoique évaporée soit peut être inapproprié, une architecture engloutie ou ingérée convenant mieux aux constructions normalisées, conformes et rentables ci-dessous.


«Si vous souhaitez acquérir un logement, vous pouvez vous renseigner directement auprès des promoteurs :
Apollonia : 01 48 84 27 04
Meunier : 01 48 53 16 75
Expansiel : 01 43 97 03 43 »


Sources :
http://www.sadev94.fr/operations/choisy_port_logements.php
http://www.ville-choisy-le-roi.fr/site_acces.asp?IdPage=8560&ccf
Christian Devillers, Le projet urbain, le 4 mai 1994, et Pierre Riboulet, La ville comme oeuvre : le 12 janvier 1994, Paris, Editions de l'Arsenal, Collection Mini PA n°02, 1995
Roland Castro, 20 ans après : Bilan, déblayage, certitudes, le 23 novembre 1994, et Paul Chemetov, La fabrique des villes, le 19 octobre 1994, Paris, Editions de l'Arsenal, Collection Mini PA n°03, 1995

20 octobre 2008

Haïku de banlieue


Aulnes et sous-bois, l’épave Ion, saoule, boit.
« Pantins ! Tremblez en France, vils parisis ! »
« Bon ! », dit Sevran : « Pars, I. »

« Villes, pintes... mittes, riz » Bobby nie.
Noises… il sait que


.

13 octobre 2008

Le roman d’une doctrine

Si quelques romans utilisent la figure de l’architecte, comme le récent livre d’Anna Gavalda, La Consolante. Si de nombreux autres sont fait d’architecture et l’utilisent comme support, tel La Clôture de Jean Rolin. Si la structure littéraire et romanesque de beaucoup d’autres constitue de véritables architectures, principe poussé à l’extrême par Georges Perec dans La vie mode d’emploi. Rares sont ceux qui développent une pensée critique des objectifs de l’architecture et du rôle de ce personnage dans la société. C’est pourtant le cas du livre de Stefan Heym (Les Architectes, Zulma, 2008), écrit en 1966 en RFA et publié pour la première fois en 2000. A travers la trajectoire contrariée d’un architecte du régime, l’auteur nous livre un étonnant manifeste antérieur de l’architecture socialiste. La transcription explicite d’un discours architectural directement issu de l’appareil politique fait éclater au grand jour la relation équivoque, des doctrines architecturales et des formes de domination : entre assujettissement, motif de justification et aiguillon créatif.


«
S’étant levé du siège en bout de table, il longeait le mur auquel était accroché une série de plans – témoignant de l’inverse des formes cubistes et dénudées qu’il venait de condamner dans son discours.
« Pas la moindre idée architectonique, dans le fonctionnalisme de ces gens-là, s’écriait-il tandis que son regard inquisiteur scrutait les visages autour de la table. D’édifice en édifice, la même façade nue, un désert, du rez-de-chaussée au plafond, sans oasis pour reposer la vue ! »

La décadence tenait au fait que le sens esthétique de l’homme, son aspiration à la beauté et à la dignité humaine étaient niés. Au bout du compte, un édifice était plus qu’un réceptacle occasionnel ; il signifiait la permanence ; un monument qui représentait l’aspiration des hommes, leurs rêves, leurs idéaux. Seule une classe comme la bourgeoisie, qui n’avait plus d’idées neuves depuis longtemps et qui était profondément pénétrée du sentiment de sa propre vanité pouvait considérer une combinaison de plaques de béton comme une réalisation.

« Le travail de l’architecte bourgeois – il s’immobilisa et eut un sourire ironique – est sérieusement facilité. Il ne doit pas se préoccuper des formes et des classifications esthétiques, ni de balance ou d’équilibre, ni de disposition ou de proportion des fenêtres, des corniches, des balcons et autres accessoires… »

Après cela, il lança à la ronde un regard triomphant.

»



Heym Stefan, Les Architectes, Paris, Zulma, 2008, p.69

9 octobre 2008

Le message et l’étalement urbain

Dans la lignée des architectures alphabétiques de Johann David Steinguber (1773), les outils en ligne permettant d’explorer des photos aériennes sont une incitation à véritablement lire le territoire. Ils permettent d’intercepter tous ces messages jusqu’alors invisibles :

« Just a castaway
An island lost at sea

Another lonely day

There's no one here but me

More loneliness than any man could bare

Rescue me before I fall into despair

I'll send an SOS to the world
»



A voir : http://www.spamula.net

7 octobre 2008

La seconde pyramide

Alors que dehors, la tempête des crédits immobiliers gronde, Bertrand Delanoë dévoilait il y a peu, le projet d’une tour dans l’emprise du parc des expositions de Paris. Commandité par Unibail aux brillants architectes suisses Herzog et De Meuron, ce projet dit « Triangle » s’inscrit sur le boulevard des Maréchaux comme une hypothèse supplémentaire de dépasser le plafond des hauteurs aux portes de Paris. Si la programmation exacte du projet et sa taille définitive (entre 180 et 210m) ne sont pas encore connues, sa forme s’impose d’un coup d’œil. Une pyramide de verre, cristalline…


Cette grande forme rappelle inévitablement l’opération du Louvre dessinée par Ieoh Ming Pei en 1983. Transparence, espaces publics intérieurs, réflexions et disparition, confrontation d’une modernité à la ville historique, nombreuses sont les notions et thématiques architecturales partagées par ces deux projets. Puisque ces édifices composent un aperçu des usages politiques des formes architecturales, replaçons les dans l’histoire politique et architecturale récente.


Le bâtiment d’Herzog & De Meuron semble être un acte fondateur pour un Paris métropolitain, mais aussi pour le destin national de Delanoë. Dans les pas de François Mitterrand, choisissant la pyramide pour le Grand Louvre, Delanoë propose le « Triangle » pour le Grand Paris. Un même archétype architectural au service d’un projet politique. A chaque homme de gauche voué à un destin présidentiel sa pyramide ?

Pourtant, la forme pyramidale renvoie à des conceptions paradoxales. Alors que le Louvre cristallise l’ambition culturelle de François Mitterand et forge l’acception Paris= Ville Musée par l’alliance du patrimoine et d’une technique architecturale, le « Triangle » est quant à lui produit et utilisé pour briser cette image. Pour Delanoë, ancrer Paris dans son devenir métropolitain à un prix : celui d’imiter les choix du père pour mieux s’en détacher…



Images : © Herzog & De Meuron, FlickR

3 octobre 2008

En deçà de la Biennale

La dixième Biennale d’architecture de Venise, tenue du 14 septembre au 23 novembre 2008 a pour thème : Out there, Architecture beyond building, un choix dû à Aaron Betsky, ancien directeur du NAI (Netherlands Architecture Institute).


Sans revenir sur les remous hexagonaux suscités par l’installation proposée par la French touch ou l’article du Monde : « A la Biennale de Venise de l'architecture, l'imaginaire érigé en dogme », il est singulier que le titre de la biennale reprenne le slogan de la revue Volume éditée par Archis, AMO et C-Lab : To beyond or not to be (Architecture must go beyond itself)


Voici deux extraits des articles-programmes rédigés par Rem Koolhaas et Ole Bouman pour le premier numéro de Volume paru en janvier 2005 :
(en anglais, puis en français)

“There is a morbid contradiction between what the architectural office is considered to be and the full spectrum of what its potential actions could be. Architecture is supposedly a profession of action: we intervene, change, execute… But we don’t abstain, leave alone, observe, or reflect. This is a professional weakness: its increases our vulnerability and decreases our potential worth. The presence of so many unexplored territories of (in)action provide enough reason to leave the architectural office, as it is currently identified, and to find other ways of operating.”
Rem Koolhaas


“Don’t ask what architecture can build for you, ask what it can do for you. Don’t wonder where you can find a client, ask where you are needed. Don’t cover architecture, discover it.”
Ole Bouman


« Il existe une macabre contradiction entre la pratique courante d’un office d’architecture et le large champ que ses actions potentielles pourraient couvrir. L’architecture est supposé être une profession de l’action : intervenir, modifier, exécuter… Mais ne jamais s’abstenir, constater, observer ou réfléchir. C’est une insuffisance professionnelle qui augmente notre vulnérabilité et diminue notre valeur potentielle. L’existence d’un si grand nombre de territoires d’(in)action inexplorés fournit suffisamment de raisons d’abandonner la pratique d’agence d’architecture telle qu’elle apparaît aujourd’hui, et de découvrir d’autres moyens d’exercer. »
Rem Koolhaas


« Ne demandez pas ce que l’architecture peu édifier pour vous, demandez ce qu’elle peut faire. Ne vous inquiétez pas de trouver un client, demandez d’ou vous êtes absent. Ne couvrez pas le champ de l’architecture, découvrez le. »
Ole Bouman

A voir :
http://www.archis.org/volume