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30 novembre 2011

Bref.

Souvent, mes amis me disaient : « Tu devrais le faire… », « Rejoins-nous ! », « Vas y, fait le ! ». Et puis, le temps passant, les opportunités se présentant, j’ai du m’y résoudre. Je serais architecte. Je serais inscrit au tableau de l’Ordre.

D’abord, le dossier administratif. La visite à l’Ordre : « Bonjour, ça fera 260 euros pour la première année et 260 pour les frais d'inscription. ». L’aller-retour avec la Mutuelle des Architectes Français : « Bonjour, ça sera 381 euros. ». Je doute. Je pense à mes futurs clients, à la dotation du Praemium Imperial, à la gloire et aux filles du Carlton d’Eiffage. Je dépose les dossiers.

Plus tard, je reçois le carton d’invitation à la prestation de serment. Beau papier, encre métallisée, typographie soignée. « Ca fera 520 euros ». Une larme me monte aux yeux. Je suis fier.

Je téléphone à mes parents pour les inviter. Ils me demandent d’abord de leur expliquer l’utilité de l’inscription. Enfin, la nécessité… Enfin je n’y arrive pas. Ils passeront peut-être. J’annule les coups de fils à mes frères, mes cousins, mes amis, mes collègues.

Le grand soir est arrivé, je suis en avance. On m’étiquette pour que mes congénères puissent m’identifier. Je m’installe dans la chapelle du couvent des Récollets. Les animateurs de la soirée relisent leurs fiches à voix basse. J’attends. La salle est pleine, ça commence. Les animateurs de la soirée relisent leurs fiches à voix haute. Les murs de la salle sont lézardés. Je regarde obstinément une fissure qui remonte jusqu’à la charpente. Je me dis que je fais une erreur, que je ne devrais pas être là. Je panique. J’essaye de respirer calmement comme mon voisin qui s’est discrètement assoupi.

J’attends. Les présentateurs annoncent un quizz. La question n°2 me sort de la torpeur : « Qui est le président du CROAIF ? : Dominique Tessier, Lionel Carli, Bernard Mauplot ? ». Mais qui sont ces gens ? Je prends le 50/50, l’appel à un ami ne donne rien. Faux-cul, je hoche la tête quand on annonce la réponse. J’attends. Nous nous levons enfin et prêtons serment. La chapelle résonne faiblement : « Dans le respect de l'intérêt public qui s'attache à la qualité architecturale, je jure d'exercer ma profession avec conscience et probité et d'observer les règles contenues dans la loi sur l'architecture et dans le code des devoirs professionnels ». Je signe le papier, souris au photographe, retourne m’asseoir. Je toise la foule du regard. Je suis un autre homme.

Avec des amis, je rejoins le buffet. Le mauvais vin me rappelle à la réalité. Rien n’a changé. Je croise cette fille qui travaille chez 3XN. Je trinque, j’ai de la répartie. Je croise un camarade de promotion chargé de projet chez Valode et Pistre. Je trinque. Je l’évite. Je rencontre un ancien collègue. Je trinque. Il me présente à ses amis. Nous trinquons. Je passe plutôt une bonne soirée.

Bref, je me suis inscrit à l’Ordre des architectes.




PS : Pour ceux qui auraient manqué le phénomène télévisuel de la rentrée. Bref, la mini série de Canal + écrite, réalisée et jouée par Kyan Khojandi et Bruno Muschio.
http://www.canalplus.fr/c-divertissement/pid3848-c-bref.html

20 novembre 2011

Numero Bis

Les centres commerciaux ont la fâcheuse habitude d’ajouter un 2 aux villes dans lesquelles ils s’implantent. Ce type d’appellation est en fait une invention conjointe à l’apparition des centres commerciaux en Europe, c'est-à-dire au début des années 1970. Dédoublant les toponymes, ils signifient qu’ils proposent une centralité alternative aux villes traditionnelles.


De nombreux exemples illustrent cette stratégie de promotion commerciale : Centre 2 à St Etienne ; Valence 2 ; Mondeville 2 ; Labège 2 ; Evry 2 ; Velizy 2 ; Bay 2 à Marne la vallée ; Parly 2 ; Bercy 2 ; Saint Genis 2 ; Bab 2 ; Rosny 2 ; Villeneuve 2 ; Italie 2 à Paris ; Cinecitta 2 à Rome ; City 2 à Bruxelles…

Cette pratique ronronnait, jusqu’à une invention récente. En effet, le groupe d’investissement Cushman & Wakefield a été chargé d’un développement urbain couvrant17 ha au cœur de Liverpool. Achevé en 2009 et il a principalement été mené par l’agence BDP Architects responsable du plan directeur, du traitement des espaces publics, de l’esquisse de 5 bâtiment et de la réalisation de 9 autres édifices. Près de 25 agences anglo-saxonnes y ont contribué telles Allies and Morrison, CZWG, Dixon Jones, Wilkinson Eyre et FAT.


Un centre commercial qui joue à la ville avec une diversité d’écriture architecturale des bâtiments, des rues, des places, une topographie artificielle, des espaces verts, des bureaux, des logements… Les développeurs avaient d’abord songé à prénommer modestement ce quartier : The Paradise Project. Etant plus réalistes, ils ont choisi un terme dont la violence n’a d’égal que l’efficacité.

Son nom : Liverpool One !

Voir :
http://www.bdp.com

13 novembre 2011

S’il m’enterre

Plusieurs architectes modernes et contemporains ont étés chargés de construire des architectures funéraires. Si les résultats de ces cimetières d’auteurs sont le plus souvent remarquables, nous avons décelé plusieurs coïncidences macabres.


En effet, Skogskyrkogården, au sud de Stockholm, est une œuvre de Gunnar Asplund et de Sigurd Lewerentz. Débuté en 1917, l’aménagement de ce grand cimetière s’achève par la construction du crématorium entre 1935 et 1940. Un édifice que ne verra pas Gunnar Asplund qui décède cette même année et dont le corps repose à proximité.


En réalisant le cimetière de la famille Brion à San Vito d'Altivole entre 1969 et 1978, Carlo Scarpa a bénéficié lui aussi d’une commande intéressante. Construisant littéralement le paysage, il y aménage plusieurs pavillons et chapelles. Malheureusement, un accident l’emporte alors que le chantier s’achève. En reconnaissance de son travail, sa sépulture se trouve dans l’enclos de ce cimetière privé.


Quand ils remportent le concours pour le cimetière d’Igualada, au nord de Barcelone, en 1984, Enric Miralles et Carme Pinos n’ont livré que peu de projets. Achevé en 1994, le cimetière permet à ces deux architectes d’émerger sur la scène internationale. Une gloire de courte durée, puisqu’Enric Miralles décède brutalement en 2000… Comme ses autres confrères, ses restes rejoignent sa création funéraire.


Souhaitons à Marc Barani, dont l’extension du cimetière St Pancrace à Roquebrune Cap Martin a bientôt 20 ans, d’être l’exception qui confirme cette triste règle. A moins que la présence dans un des carrés du cimetière de la tombe de Le Corbusier n’ait déjà suffi à valider cette terrible série …


Voir :
http://www.findagrave.com/
http://www.ina.fr/art-et-culture/architecture/video/CAB94100759/cimetiere-de-roquebrune.fr.html