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14 août 2010

A consommer avec modération

L’origine de l’expression « être charrette » (qui désigne une période intense de travail) est bien connue et documentée. Elle remonte au 19ème et aux pratiques de rendus de l’Ecole des Beaux-Arts. Plusieurs pages du roman d’Emile Zola, L’œuvre, paru en 1886, témoignent précisément des comportements des étudiants et de l’ambiance de la charrette :

« Un grognement avait accueilli le peintre, le grognement des fauves dérangés chez eux. Ce qui l’immobilisait, c’était l’aspect de la salle ; au matin de « la nuit de charrette », ainsi que les architectes nomment cette nuit suprême de travail. Depuis la veille, tout l’atelier, soixante élèves, étaient enfermés là, ceux qui n’avaient pas de projets à déposer, « les nègres », aidant les autres, les concurrents en retard, forcés d’abattre en douze heures la besogne de huit jours. Dès minuit, on s’était empiffré de charcuterie et de vin au litre. Vers une heure, comme dessert, on avait fait venir trois dames d’une maison voisine. Et sans que le travail se ralentît, la fête avait tourné à l’orgie romaine, au milieu de la fumée des pipes. »

« À ce moment, Claude, qui reculait, manqua d’être écrasé par une petite charrette à bras, que deux gaillards très barbus amenaient au galop. C’était de cette charrette que la nuit de gros travail tirait son nom ; et, depuis huit jours, les élèves, retardés par les basses besognes payées du dehors, répétaient le cri : « Oh ! que je suis en charrette ! » Dès qu’elle parut, une clameur éclata. Il était neuf heures moins un quart, on avait le temps bien juste d’arriver à l’École. Une débandade énorme vida la salle ; chacun sortait ses châssis, au milieu des coudoiements’ ; ceux qui voulaient s’entêter à finir un détail étaient bousculés, emportés. En moins de cinq minutes, les châssis de tous se trouvèrent empilés dans la voiture, et les deux gaillards barbus, les derniers nouveaux de l’atelier, s’attelèrent comme des bêtes, tirèrent au pas de course ; tandis que le flot des autres vociférait et poussait par-derrière. »

« En tête, la charrette à bras, tirée, poussée plus fort, bondissait sur les pavés inégaux, avec la danse lamentable des châssis dont elle était pleine ; puis, la queue galopait, forçant les passants à se coller contre les maisons, s’ils ne voulaient pas être renversés ; et les boutiquiers, béants sur leurs portes, croyaient à une révolution. Tout le quartier était dans le bouleversement. »

Fortuitement, le caractère festif de la charrette vient d’être réactivé. Il s’agit d’une campagne de publicité crée par Publicis Activ pour la marque de boissons Rhums Réunion. En effet, pour un architecte, le slogan vantant le Rhum Charrette a une résonance surprenante…


Vous pouvez donc faire votre cette maxime ou en tirer une seconde :
Si « En architecture, on ne dit pas débordé, on dit charrette »
Et « A la Réunion, on ne dit pas rhum, on dit charrette »
Alors « En architecture, on ne dit pas réunion, on dit rhum » ?

Lire :
Emile Zola, L’œuvre, Troisième chapitre, G. Charpentier, 1886.
http://www.rhum-charrette.com/

1 commentaire:

Tilia a dit…

Bien vu !
Et voilà le résultat.
Avec de la wódka c'est encore mieux :D