Si quelques romans utilisent la figure de l’architecte, comme le récent livre d’Anna Gavalda, La Consolante. Si de nombreux autres sont fait d’architecture et l’utilisent comme support, tel La Clôture de Jean Rolin. Si la structure littéraire et romanesque de beaucoup d’autres constitue de véritables architectures, principe poussé à l’extrême par Georges Perec dans La vie mode d’emploi. Rares sont ceux qui développent une pensée critique des objectifs de l’architecture et du rôle de ce personnage dans la société. C’est pourtant le cas du livre de Stefan Heym (Les Architectes, Zulma, 2008), écrit en 1966 en RFA et publié pour la première fois en 2000. A travers la trajectoire contrariée d’un architecte du régime, l’auteur nous livre un étonnant manifeste antérieur de l’architecture socialiste. La transcription explicite d’un discours architectural directement issu de l’appareil politique fait éclater au grand jour la relation équivoque, des doctrines architecturales et des formes de domination : entre assujettissement, motif de justification et aiguillon créatif.
«
S’étant levé du siège en bout de table, il longeait le mur auquel était accroché une série de plans – témoignant de l’inverse des formes cubistes et dénudées qu’il venait de condamner dans son discours.
« Pas la moindre idée architectonique, dans le fonctionnalisme de ces gens-là, s’écriait-il tandis que son regard inquisiteur scrutait les visages autour de la table. D’édifice en édifice, la même façade nue, un désert, du rez-de-chaussée au plafond, sans oasis pour reposer la vue ! »
La décadence tenait au fait que le sens esthétique de l’homme, son aspiration à la beauté et à la dignité humaine étaient niés. Au bout du compte, un édifice était plus qu’un réceptacle occasionnel ; il signifiait la permanence ; un monument qui représentait l’aspiration des hommes, leurs rêves, leurs idéaux. Seule une classe comme la bourgeoisie, qui n’avait plus d’idées neuves depuis longtemps et qui était profondément pénétrée du sentiment de sa propre vanité pouvait considérer une combinaison de plaques de béton comme une réalisation.
« Le travail de l’architecte bourgeois – il s’immobilisa et eut un sourire ironique – est sérieusement facilité. Il ne doit pas se préoccuper des formes et des classifications esthétiques, ni de balance ou d’équilibre, ni de disposition ou de proportion des fenêtres, des corniches, des balcons et autres accessoires… »
Après cela, il lança à la ronde un regard triomphant.
»
Heym Stefan, Les Architectes, Paris, Zulma, 2008, p.69
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire